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Photo du rédacteurNgoufo Gangnimaze

Le Songo : ses vertus mathématiques

Dans le précédent article, vous avez découvert l’Awalé sous une facette franchement mathématique (lien ici). Aujourd’hui nous allons parler de son cousin camerounais, le Songo qui n’est pas moins matheux et qui lui ressemble à 70%, quoiqu’un peu plus difficile (n'en déplaise aux Ivoiriens et aux Ghanéens^^).


Le Songo est un jeu dont le but est d’engranger le plus grand nombre de graines, en terminant la distribution de celles avec un total de 2, 3 ou 4 graines chez son adversaire. Pour les néophytes, les règles sont expliquées en détail ici. Savoir calculer entre en jeu dans toutes les étapes de la partie:

-Il faut s’assurer d’avoir le bon nombre de graines dans le trou de départ afin que la distribution se termine dans le bon trou d’arrivée. En permanence compter le nombre de graines de chaque trou, pour identifier les bons trous de départ et d’arrivée.

-Le nombre de graines dans un trou donné étant sans cesse mouvant, il faut anticiper/calculer son évolution afin d’identifier puis jouer le bon trou au bon moment.

-Même si la distribution ne se termine pas avec une prise, il faut savoir où elle se termine et l’évolution du nombre de graines qu’elle va susciter, afin de préparer sereinement ses prochains coups et anticiper ceux de l’adversaire.

-Un concept clé en Songo est la maîtrise de la vitesse de circulation de graines. Pour ce faire il est important de calculer rapidement son nombre de bidoas, le nombre de coups qu’on peut jouer sans passer de graines dans le camp adverse.


Déterminer la case d’arrivée

Compter les graines et les trous un à un à chaque coup serait laborieux. La tâche est facilitée grâce à l’usage d’astuces arithmétiques et géométriques :

-pour passer d’un trou donné à son symétrique par rapport au centre du tablier, il faut 7 graines.

         

    

-pour passer d’un trou à son symétrique par rapport à la médiane longitudinale du jeu, il faut s’appuyer sur les 7 premiers nombres impairs.


               

-pour faire le tour du tablier et atterrir une case avant la case de départ, il faut 13 graines (le jeu compte 14 trous). Pour arriver dans la première case adverse, il en faut 14, puis 21, puis 28, puis 35… A chaque fois 7 graines de plus (le nombre de cases adverses). Voilà une belle découverte de la notion de congruence, en douceur.


A partir de ces astuces et de leurs combinaisons, le calcul de la case d’arrivée est facilité.



Sur l'exemple ci-dessus, nous pouvons déterminer la case d’arrivée de la case e contenant 9 graines de 3 manières :

-via la symétrie axiale. Pour arriver dans la case en face, il faut 9 graines, (cf le diagramme précédent). On aboutit donc à la case C.

-via la symétrie centrale. Pour arriver dans la case symétrique par rapport au centre du jeu, il faut 7 graines. Avec les 2 graines restantes, nous avançons vers la case C.

-via la congruence modulo 13. Pour arriver dans la case f après un tour du tablier, il faut 13 graines. En retirant les 4 graines de trop, on recule vers la case C.


Pour la case g, on fait d’abord un tour complet avec 13 graines, on met la 14ème graine directement dans la 1ère case adverse A (cf règles). On rajoute 7 graines pour y revenir, puis on avance de 5 graines, pour aboutir en case B. En 3 étapes au lieu de 26, nous arrivons rapidement et sans erreur à bon port!


Des astuces poétiques qui mêlent arithmétique et géométrie, qui utilisent le mouvement pour démarquer l’espace^^.


Estimer les bidoas

Une autre phase clé du jeu de Songo nécessite le sens du calcul : l’estimation de ses bidoas et de ceux de l’adversaire. Le bidoa est le nombre de coups qu’on peut jouer sans passer de graines à l’adversaire (les puristes m’excuseront pour cette définition vraie à 80%). Il est important pour pouvoir mener des arbitrages sur sa stratégie et anticiper celle de l’adversaire. Cette estimation demande beaucoup d’abstraction. Il faut imaginer la séquence probable de coups qui va être jouée, en tenant compte de la pression adverse, et compter le nombre de coups de cette séquence. Exercice délicat où la moindre erreur peut être fatale ; la victoire peut se jouer à une marge d'erreur d'un demi bidoa.


Prenons en exemple la configuration ci-dessous. Lequel des 2 joueurs a le plus de bidoas ?

 

Le joueur SUD va  translater de 3 cases le bloc de graines unitaires ; 9 bidoas. Puis avancera la graine de la case b ; 1 bidoa. Puis celle de la case c ; 2 bidoas. Total : 12 bidoas.

Le joueur NORD jouera d’abord sa case C ; 1 bidoa. Puis avancera de 2 cases la graine en case E ; 2 bidoas. Il y aura par la suite une graine dans les case B et C ; 3 bidoas (cf cas du joueur SUD). Total : 6 bidoas. SUD a le plus de bidoas.


Par défaut il faut savoir visualiser et compter chaque étape de la séquence de coups. Mais on peut très bien se dresser une bibliothèque de configurations classiques avec leurs bidoas et jouer sur les translations de blocs de graines unitaires. Il ne faut pas perdre de vue le jeu de l’adversaire qui peut influencer la configuration (en ajoutant des graines, en faisant des prises, en menaçant d’en prendre).


Compter les graines de tous les trous sans se fatiguer

Une autre phase importante de calcul est le dénombrement des graines dans un trou donné.

On peut pour cela s’aider de figures géométriques :

-un triangle de graines : 3

-un carré ou un losange de graines : 4

-un pentagone : 5

-un hexagone ou 2 triangles emboités : 6 graines

-un hexagone avec une graine au centre : 7 graines

-un carré large de 3 graines: 9 graines

-pour le reste : une combinaison des figures ci-dessus

 

En conclusion, le Songo est un bon moyen pour les écoliers :

-d’apprendre à compter juste et d’éventuellement surmonter la discalculie

-de s’exercer aux opérations arithmétiques : addition, soustraction, multiplication, congruence modulo 7 et 13, comparaison de nombres...

-de se familiariser à des notions de géométrie (symétrie axiale, symétrie centrale, figures géométriques)

Alors enseignants, ne manquez pas d’adopter ce jeu pour apprendre aux écoliers à compter et à se mouvoir dans l’espace tout en jouant sans complexe. Les professionnels du domaine cognitif peuvent aussi l’adopter comme outil d’évaluation des compétences des enfants qu’ils suivent. Vous pouvez vous procurer des modèles artisanaux Made in Cameroon ici et compter sur notre expertise pour vous accompagner via des ateliers et documents sur mesure.

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